Climaviation, un projet innovant pour réduire l’impact de l’aviation sur le climat
Le projet Climaviation a pour ambition de mieux comprendre et quantifier les impacts climatiques de l’aviation. Il est dirigé par Nicolas Bellouin, climatologue au Royaume-Uni et titulaire de la chaire Aviation et climat à l’Institut Pierre-Simon Laplace (IPSL). Ce contributeur au sixième rapport du GIEC nous explique ici les objectifs de ce projet ambitieux qui réunit des scientifiques de l’IPSL et de l’Office National d’Etudes et de Recherches Aérospatiales (ONERA).
Dans quel contexte est né le projet Climaviation ?
Nicolas Bellouin : Face au réchauffement climatique et à la nécessité de diminuer les émissions de dioxyde de carbone (CO2), l’aviation s’est engagée dans une stratégie de décarbonation à l’échelle mondiale. La tâche est particulièrement difficile pour ce secteur économique où le CO2 reste très présent et où chaque innovation envisagée sur les avions doit être testée et approuvée avant d’être mise en place.
Dans ce contexte, la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) a financé sur cinq ans le projet Climaviation afin d’explorer différentes solutions visant à réduire les impacts climatiques de l’aviation.
Quel est l’objectif de ce projet ?
N. B. : Chacun sait que l’aviation émet du CO2 et qu’il faut réduire ces émissions. Mais le CO2 n’est pas le seul coupable. Les moteurs d’avion émettent d’autres composés : oxydes d’azote, vapeur d’eau, particules. Si les conditions sont réunies, la vapeur d’eau et les particules forment des trainées de condensation derrière les appareils. Certaines de ces trainées persistent et continuent de s’étendre en formant de grands champs de nuages de glace qui perturbent le bilan radiatif terrestre. C’est l’un des effets de l’aviation qualifiés d’effets « non-CO2 ».
Selon les modélisations climatiques récentes, l’impact de ces effets pourrait être supérieur à celui du CO2. Mais il reste incertain en raison de la complexité des mécanismes à modéliser et des échelles à prendre en compte dans les simulations. De nombreuses questions se posent concernant la taille et les propriétés de la couverture nuageuse induite par les trainées, leur durée de vie dans l’atmosphère, la formation et la composition des cristaux de glace, l’impact d’un changement de carburant sur la chimie de l’atmosphère, etc.
L’objectif du projet Climaviation est donc de comprendre et quantifier ces effets pour mieux les prendre en compte dans les stratégies de réduction de l’impact climatique.
Quelles solutions explorez-vous pour réduire l’impact de l’aviation sur le climat ?
N. B. : L’industrie aéronautique intensifie ses efforts pour améliorer le rendement des moteurs existants ou recourir à des carburants alternatifs à faible empreinte carbone, voire à de nouveaux vecteurs énergétiques décarbonés comme l’hydrogène.
Nous nous intéressons aussi à des stratégies alternatives qui reposent en grande partie sur la flotte existante : changer l’altitude de vol, utiliser les courants ascendants, adapter l’heure des vols, etc. Si ces stratégies ne nécessitent pas forcément de changement technologique, il faut néanmoins vérifier qu’elles sont efficaces et en mesurer les impacts à court et long termes.
La DGAC a donc besoin de notre conseil scientifique pour déterminer quelles sont, parmi l’ensemble de ces solutions, celles qui, non seulement réduisent les émissions de CO2, mais aussi limitent les effets non-CO2.
Il s’agit d’un projet de recherche pluridisciplinaire mêlant des forces de Sorbonne Université et de l’ONERA. Comment s’articule cette collaboration ?
N. B. : Ce projet rassemble une trentaine de scientifiques. Parmi eux : des physiciens de l’atmosphère, des physiciens des nuages, des chimistes, des observateurs, des spécialistes de la détection automatique des formes, etc.
Les scientifiques de l’ONERA savent modéliser l’impact que va générer, au niveau de l’atmosphère, le changement d’un moteur ou d’un carburant sur une échelle spatio-temporelle de quelques secondes et de quelques mètres derrière l’avion. À l’IPSL, nous modélisons ce qui se passe à des échelles bien plus grandes : au niveau de la planète et sur plusieurs heures, années voire siècles. À travers notre collaboration, nous essayons de combler l’écart qui existe entre ces deux ordres de grandeur.
Notre ambition est de connecter les modèles de l’ONERA aux modèles climatiques développés par l’IPSL afin de construire des outils scientifiques pérennes utilisables pour estimer l’impact climatique de n’importe quelle nouvelle solution proposée dans l’aviation.
Cet article est republié à partir de Sorbonne Université. Lire l’article original.